Dieu est mort, proclame Nietzsche. Mais le big crash causé par cette disparition n'a pas fini de faire sentir son effet de souffle. Et, faute d'avoir retrouvé le cadavre, certains peuvent crier à la disparition momentanée. Pourtant, le certificat de décÚs n'est guÚre nécessaire. Sauf à confondre les nouveaux relents identitaires avec un "retour du religieux", ou à donner une importance démesurée à de petites sphÚres fondamentalistes - plutÎt rares de ce cÎté-ci de l'Atlantique -, Dieu n'habite plus le monde des Européens depuis un moment. Renvoyé à l'état de poussiÚre céleste ou simplement rangé aux abonnés absents. La chose a été largement diagnostiquée désenchantement du monde, sortie de la religion, sécularisation... [...]La suite aprÚs la publicité Seulement, ce célÚbre disparu, qu'on le nomme "Dieu le PÚre" chez les chrétiens, "l'imprononçable" dans le judaïsme ou Allah dans l'islam qui connaßt 99 appellations mais pas de pluriel, n'en reste pas moins étonnamment présent dans nos esprits. Comme une ombre géante, une persistance rétinienne, un fantÎme insistant. Et il ne suffit pas de se proclamer athée pour avoir à jamais liquidé le récurrent problÚme. [...] >> Retrouver l'intégralité du dossier "Peut-on se passer de Dieu ? ", avec un entretien exclusif de l'écrivain Emmanuel CarrÚre qui raconte sa "crise de foi", dans "le Nouvel Observateur" en kiosque jeudi 21 août. Eric Aeshiman et Marie Lemonnier- "Le Nouvel Observateur"
Bergson"La religion est une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l'intelligence, de l'inévitabilité de la mort". Donc, l'homme a besoin d'avoir une religion pour se sentir protéger du mystÚre de la mort, de mettre des mots sur cette inéluctable mort (afin d'avoir moins peur). B) L'humanisation par la religion
Texte intĂ©gral 1- L'homme, image de Dieu 1La conception de l'homme en tant qu'image de Dieu caractĂ©rise l'Ćuvre de Comenius. L'homme a Ă©tĂ© fait Ă l'image de celui qui est depuis le commencement », affirme-t-il dĂšs la dĂ©dicace de La grande didactique par. 2. C'est de cette notion qu'il tire les principales caractĂ©ristiques qui constituent l'homme dans son humanitĂ© et les diffĂ©rentes directions dans lesquelles l'Ă©ducation devra dĂ©velopper l'enfant. 1 GenĂšse, I, 26 et 27 ; trad. Bible de JĂ©rusalem. 2 Tresmontant C., Les origines de la philosophie chrĂ©tienne. coll. Je sais, je crois, no 11, p. 97 3 Ibid., p. 98. 4 Ibid, p. 100. 5 Ibid., p. 99. 6 La sainte Bible, trad. en français, sous la direction de l'Ecole biblique de JĂ©rusalem ; Paris, 19 ... 7 Saint Thomas, Somme thĂ©ologique, Ia, art. 4 ; trad. A. Patfoort, o. p. Ed. du Cerf, p. 96-97. 2Cette expression, on le sait, est tirĂ©e de la Bible Faisons l'homme Ă notre image, comme notre ressemblance. ⊠Dieu crĂ©a l'homme Ă son image »1. Claude Tresmontant nous explique comment il faut comprendre cette affirmation Les thĂ©ologiens qui ont composĂ© ce texte se sont opposĂ©s expressĂ©ment aux mythes Ă©gyptiens et assyro-babylomiens qui enseignaient la consubstantialitĂ© de l'Ăąme Ă la divinitĂ©. L'homme n'est pas créé avec la substance de Dieu⊠»2. Dans son sens positif cette expression affirme que l'homme n'est pas une crĂ©ature comme une autre ; ⊠il n'est pas un vivant comme un autre. ⊠Il est appelĂ© Ă une destination proprement surnaturelle, c'est-Ă -dire qu'il est appelĂ© ⊠à devenir participant de la nature mĂȘme de Dieu »3, il a la capacitĂ© de s'ouvrir Ă une dimension surnaturelle »4. Cette destinĂ©e proprement surnaturelle de l'homme comporte certaines implications et prĂ©suposĂ©s mĂ©taphysiques »5 notamment la raison et la libertĂ©. De mĂȘme la Bible de JĂ©rusalem prĂ©cise Ce rapport Ă Dieu sĂ©pare l'Homme des animaux. Il suppose de plus une similitude gĂ©nĂ©rale de nature intelligence, volontĂ©, puissance »6. Pour saint Thomas, c'est en vertu de sa nature intellectuelle que l'homme est dit Ă l'image de Dieu » ; par consĂ©quent le trait par lequel la nature intellectuelle imite Dieu le plus Ă©troitement, c'est celui par lequel Dieu se connaĂźt et s'aime lui-mĂȘme. L'image de Dieu dans l'homme pourra donc se vĂ©rifier ⊠d'abord en ce que l'homme a une aptitude naturelle Ă connaĂźtre et Ă aimer Dieu »7. 8 La pampĂ©die, II, 23 ; trad. Unesco. 9 Ibid III, 27 ; trad. Unesco. 3Comenius a fait siennes ces idĂ©es et elles lui serviront de guide dans le programme qu'il fera de l'Ă©ducation religieuse. Parce qu'il est son image, Dieu aime l'homme plus qu'il n'aime toute autre crĂ©ature ; l'homme, dira notre thĂ©ologien, est l'objet de la dilection de Dieu »', pour lui cette expression est synonyme de celle d'image de Dieu. et IV. 2. A son tour, l'homme ne trouve aucune crĂ©ature qu'il puisse considĂ©rer comme son Ă©gal, et il ne pourra trouver de satisfaction qu'en Dieu. Tous ses dĂ©sirs doivent donc ĂȘtre tournĂ©s vers Dieu comme vers leur source ibid. V, 18. Car Dieu est le but ultime de toutes choses, vers qui tend tout ce qui est visible et invisible ; ⊠il est la source vive de tout ce qu'il y a de bon »8, la source de vie d'oĂč partent les autres sources de tout ce qui nous rĂ©jouit » Pans. prod. 34. Comenius constate mĂȘme que si les arts extĂ©rieurs et la science procurent Ă l'esprit un dĂ©lassement agrĂ©able, ils ne le rassasient pas »9. Trop peu d'hommes ont mis leur fin en Dieu ; par contre, trop d'hommes se recherchent eux-mĂȘmes et ne poursuivent que leur succĂšs et leur propre gloire. Agissant ainsi, ils aboutissent Ă une impasse. C'est pour cela que l'on voit tant d'iniquitĂ©s sur la terre Pans. prod. 33, 34. Pour couronner le tout, Dieu appelle l'homme Ă vivre avec lui durant toute l'Ă©ternitĂ©, Ă partager sa vie Te enim mihi destinati aeternitatis consortem » 3 ; cf aussi II, 9. 10 L'Ă©cole de la petite enfance, IV, 5 ; trad. PrĂ©vot. 4C'est donc tout le sens de la vie de l'homme qui est concernĂ© par cette ressemblance avec Dieu. Les rapports de l'homme avec Dieu en sont profondĂ©ment marquĂ©s ; non seulement ce ne sont pas des rapports de conflit, ni mĂȘme de purs rapports de serviteur Ă maĂźtre, mais des rapports de confiance et d'amour. L'homme est conviĂ© Ă faire briller en lui, selon sa mesure d'ĂȘtre fini, les qualitĂ©s que Dieu possĂšde dans leur perfection. La religion n'est rien d'autre que cette attitude qui consiste Ă se tourner vers Dieu comme vers sa source ; de toute façon Dieu attire l'homme parce que chacun aime ce qui lui ressemble 18 et s. La religion est le respect intĂ©rieur qui met en relation l'homme avec la divinitĂ© » ibid. IV, 6. Ce n'est pas que notre auteur soit thĂ©iste ; il croit fermement au Christ RĂ©dempteur, il a un credo et il pratique un culte. Mais, pour lui, l'appartenance Ă telle ou Ă telle Ă©glise est secondaire par rapport Ă cette attitude qui, elle, est fondamentale. Voici d'ailleurs comment il dĂ©finit la piĂ©tĂ© La piĂ©tĂ© vraie et salutaire consiste en trois points 1-notre cĆur respecte Dieu toujours et en tout lieu et Le recherche dans toutes ses actions ; 2-notre cĆur dĂ©couvre les traces de la Divine Providence et suit partout Dieu avec crainte, amour et respect ; 3-partout il se souvient de Dieu, converse avec Lui, se joint Ă Lui et parvient Ă la paix et Ă la consolation »10. 11 De utilitate accuratae RerumâŠ, in pars IIÎ, 5Quels sont les traits particuliers que l'homme devra dĂ©velopper pour ressembler Ă Dieu ?. Au dĂ©but de son Ćuvre, dans La grande didactique surtout, l'auteur pense avec saint Thomas que l'homme ressemble le plus Ă Dieu par sa nature intellectuelle Dieu, ayant créé l'homme Ă son image, il l'a dotĂ© d'un esprit MENS » 3 ; et encore Il a plu Ă Dieu de crĂ©er des ĂȘtres Ă son image c'est-Ă -dire raisonnables et capables de participer Ă sa sagesse et Ă son immortalitĂ© » Via lucis, L'Homme doit donc chercher Ă acquĂ©rir beaucoup de connaissances Le fait que l'homme naĂźt capable d'acquĂ©rir des connaissances est Ă©vident puisque, en premier lieu, il est l'image de Dieu. Or, une image, pour ĂȘtre exacte, doit nĂ©cessairement reproduire les traits du modĂšle, autrement ce n'est plus une image. Et comme parmi les autres attributs de Dieu, c'est l'omniscience qui domine, elle doit nĂ©cessairement se reflĂ©ter de quelque façon dans l'homme » V, 4. Le pĂ©dagogue mettra cette omniscience en relief chaque fois qu'il aura besoin de stimuler un public Ă l'Ă©tude. Ainsi il Ă©crit La nature humaine a Ă©tĂ© faite de telle sorte qu'elle est devenue l'image de l'unique Sagesse, c'est-Ă -dire de l'Omniscience de Dieu. Si tu t'Ă©cartes volontairement et sciemment de cette ressemblance, tu t'Ă©loignes du plan de Dieu »11. 12 La pampĂ©die, IX ; in Cons. II, col 121. 13 Ibid., IIÎ, 14 ; trad. Unesco ; cf. aussi Panegersie, in Cons. I, col. 30. 14 Ibid., III, 20 ; trad. Unesco. 6Mais Comenius Ă©tend aussi cette ressemblance Ă d'autres traits surtout Ă ceux qui sont les marques caractĂ©ristiques de la nature humaine et que nous analyserons dans un autre chapitre L'homme vraiment formĂ© est celui qui, comme une vĂ©ritable image de Dieu saisit tout grĂące Ă la Raison, exprime tout par la parole, rĂ©alise tout grĂące Ă son activitĂ©, du moins autant que cela est possible Ă une crĂ©ature limitĂ©e »12. Il Ă©crit encore Les propriĂ©tĂ©s les plus marquantes de Dieu sont 1° l'omniscience, 2° l'omnipotence, 3° la saintetĂ© universelle, 4° l'indĂ©pendance souveraine ; par consĂ©quent, il est sĂ»r que l'homme, qui se distingue nettement par la sagesse, l'habiletĂ©, la saintetĂ© et qui aprĂšs Dieu est indĂ©pendant, est une vĂ©ritable image de Dieu et la vĂ©ritable gloire de son CrĂ©ateur »13. Parfois il insiste, selon les besoins, sur ce dernier trait et il Ă©crit Comme le dĂ©sir de l'activitĂ© libre est insĂ©parable de la nature humaine, image de Dieu⊠» X, 37 ou bien encore Il importe beaucoup que les hommes apprennent Ă librement choisir, Ă leur grĂ©, les choses parfaitement comprises, et Ă en disposer librement ; de maniĂšre que nulle part l'image de Dieu ne soit altĂ©rĂ©e dans l'homme, et surtout pas lĂ oĂč cette image est la plus ressemblante, dans la libertĂ© du choix »14. 15 1er EpĂźtre de saint Jean, IV, 8. 7Les perfections divines sont infinies. Pour les besoins pratiques il est normal qu'un Ă©crivain insiste sur tel ou tel aspect de ces perfections. On peut cependant faire remarquer qu'un attribut fondamental n'est jamais mentionnĂ© Dieu est amour » ; cette phrase de saint Jean15 rĂ©sume tout le message du christianisme. Mais cette omission n'est pas une particularitĂ© propre Ă Comenius. Les Ă©poques, comme les individus, ont des valeurs auxquelles ils sont plus sensibles qu'Ă d'autres. 16 La panegersie, V, 9 ; in Cons. I, col. 37. 17 Ibid. IV, 14 ; in Cons. I, col. 30. 8Le fait que c'est l'homme seul qui a Ă©tĂ© créé Ă l'image de Dieu lui donne une place Ă©minente parmi toutes les autres crĂ©atures. Dieu l'a Ă©tabli maĂźtre et seigneur de toute la crĂ©ation IV. L'humanitĂ© est douĂ©e de raison et elle porte en elle des germes de moralitĂ©, dignitĂ©s qui sont des privilĂšges qui l'Ă©lĂšvent au-dessus des animaux et le rendent semblables Ă Dieu »16. Quand il exaltait la supĂ©rioritĂ© des animaux, Montaigne oubliait cette qualitĂ© d'image de Dieu. Pas plus que d'autres, Comenius n'ignorait les mĂ©chancetĂ©s ou les turpitudes dont l'humanitĂ© est capable ; cependant il continuait Ă rĂ©pĂ©ter l'homme est la premiĂšre de toutes les crĂ©atures visibles parce qu'il a Ă©tĂ© créé Ă l'image de Dieu »17. Il est allĂ© jusqu'Ă Ă©crire cette phrase qui doit paraĂźtre peu orthodoxe Ă beaucoup, Ă savoir que l'homme ne doit reconnaĂźtre comme supĂ©rieur Ă lui que Dieu seul quant aux anges, qui sont Ă©galement des serviteurs de Dieu, l'homme doit les considĂ©rer comme des Ă©gaux ! IV, 4. 9Les belles paroles de Comenius sur la piĂ©tĂ© ne sont pas de simples clichĂ©s. Il semble bien avoir puisĂ© en Dieu une force morale qui lui a permis de supporter beaucoup d'Ă©preuves sans perdre ni son Ă©quilibre ni son dynamisme. Ainsi il a perdu successivement deux femmes ; la premiĂšre est morte au cours d'une Ă©pidĂ©mie avec ses deux enfants ; le pauvre homme faillit en perdre la raison. Aucun raisonnement ne pouvait le consoler, ni mĂȘme les considĂ©rations intellectuelles basĂ©es sur la foi. Seule une certaine union Ă Dieu et au Christ souffrant lui a apportĂ© la consolation et la joie ». Aussi, en parlant de Dieu aprĂšs cette Ă©preuve il dira qu'il est le roc de sa vie », une tour forte ». 18 Cf Denis E., La fin de l'indĂ©pendance bohĂȘme, t. I et II, Paris, 1930. 19 Vita gyrus. in pars IV, 10Si durs qu'aient Ă©tĂ© ses malheurs personnels, le sort rĂ©servĂ© Ă son pays l'a affectĂ© encore davantage, selon ses propres paroles. On sait le triste sort rĂ©servĂ© Ă la BohĂȘme aprĂšs la dĂ©faite de la Montagne Blanche, en 1620, et les souffrances injustes qui en ont rĂ©sultĂ©18. Le pire, pour lui, a Ă©tĂ© de craindre, un peu plus tard, que c'en Ă©tait fini de l'Eglise dont il Ă©tait l'Ă©vĂȘque. Durant l'incendie de Leszno, en 1656, il a perdu non seulement ses livres, mais encore ses manuscrits, dont certains reprĂ©sentaient 40 annĂ©es de patientes recherches⊠A cette occasion il a dit qu'il avait tout perdu exceptĂ© cet unique qui, Ă lui seul, est tout »19. 20 Heyberger A., Jean Amos Comenius, Paris, 1928, p. 217. 21 Ibid., 11Comme il avait des responsabilitĂ©s publiques, il ne suffisait pas qu'il surmonte sa douleur et retrouve son calme. Il devait, en outre, avoir assez de dynamisme pour soutenir les autres. C'est ce qu'il a fait Ă plusieurs reprises. Il a mĂȘme composĂ©, Ă l'intention de ses ouailles ou de ses compatriotes, des ouvrages dits de "consolation", comme Centrum securitatis et Des affligĂ©s. Dans son union mystique avec l'esprit divin, il puise une Ă©nergie qu'il tĂąche de communiquer aux FrĂšres en exil », dit de lui A. Heyberger20. Pour exprimer cette paix que l'on trouve en Dieu, il a cette image saisissante Ce monde est semblable Ă une roue que Dieu aurait dĂ©veloppĂ©e par sa toute - puissance. Il en est le centre et ses crĂ©atures, comme des rayons, s'irradient de lui en tous sens. Le centre reste immobile, mais la roue du monde tourne inlassablement. Plus on se trouve prĂšs du centre, moins les agitations sont violentes ; plus on est Ă©loignĂ©, plus fortes sont les secousses »21. 2- La chute, la justification, la grĂące 22 Gusdorf G., La rĂ©volution galilĂ©enne, Paris 1969, t. Î , p. 43. 23 Hildesheimer F., Le jansĂ©nisme. L'histoire et l'hĂ©ritage, Paris, 1992, p. 134. 12On sait que la prĂ©destination Ă©tait un des points nĂ©vralgiques de la pensĂ©e religieuse au xviie siĂšcle »22. Mais l'UnitĂ© remontait Ă la RĂ©forme tchĂšque, non Ă Luther et elle ne se posait pas avec angoisse les questions Serai-je sauvĂ© ? Combien y aura-t-il d'Ă©lus ? » qui obsĂ©daient non seulement Luther, mais aussi des hommes comme Ignace de Loyola ou le jeune François de Sales 1567-1622 et bien d'autres encore, puisqu'on a pu Ă©crire que le problĂšme du salut Ă©ternel Ă©tait la vĂ©ritable obsession du siĂšcle classique »23. Les positions de Comenius sur ces thĂšmes se ressentent de son appartenance Ă une tradition diffĂ©rente. 24 Cf Cons. I, Mundus spiritualis, chap. IV, col 1071. 25 La grande didactique, chap V, sous-titres pour les paragraphes 1 et 2. 13Pour certains thĂ©ologiens la chute d'Adam avait mortellement blessĂ© la nature humaine qui n'Ă©tait plus capable d'aucun bien ; la raison Ă©tait devenue incapable de nous guider, la volontĂ© Ă©tait fatalement inclinĂ©e vers le mal. Comenius, par contre, semble excuser le pauvre homme qui n'avait pas eu l'initiative de la dĂ©sobĂ©issence Ă Dieu ; il s'est seulement laissĂ© sĂ©duire. Si bien que Dieu a Ă©tĂ© plus misĂ©ricordieux avec lui qu'avec les anges rĂ©voltĂ©s, et la corruption de l'homme, quoique rĂ©elle, n'est qu' accidentelle »24. Il en ressort cette consĂ©quence capitale que les choses peuvent ĂȘtre remises dans leur Ă©tat premier qui Ă©tait boa Il est plus naturel Ă l'homme et plus facile Ă la grĂące de Dieu d'acquĂ©rir la sagesse et de devenir vertueux et saint plutĂŽt que d'en ĂȘtre empĂȘchĂ© par une dĂ©pravation accidentelle, car il est facile Ă une chose de retrouver sa nature premiĂšre » DM. V, 25. Or, la nature humaine Ă©tait bonne Ă l'origine » et nous devons y ĂȘtre ramenĂ©s par la puissance de la Providence qui relĂšve ce qui est tombĂ© »25. La phrase suivante exprime l'attitude personnelle de Comenius Ă propos de la chute. Est-ce que Dieu n'a pas envoyĂ© son Fils pour rĂ©tablir dans son Ă©tat primitif ce qui Ă©tait tombĂ© ? » DM. V, 22. 26 V, 23 ; cf. aussi Pans. prod. 15. 14Il illustre cette conviction par l'image suivante considĂ©rons, dit-il, une horloge ou un instrument de musique qui ont Ă©tĂ© fabriquĂ©s par un artisan habile. Si l'horloge se gĂąte ou si l'instrument est dĂ©saccordĂ©, on ne les considĂšre pas immĂ©diatement comme Ă©tant hors d'usage, car on sait qu'on peut les rĂ©parer. Il en est de mĂȘme pour l'homme mĂȘme s'il a Ă©tĂ© corrompu par la chute, il faut tenir pour certain qu'avec la puissance de Dieu et en utilisant des moyens appropriĂ©s, on peut le rĂ©tablir dans son harmonie primitive DM. V, 17. Le cas de Nabuchodonosor confirme cette vue optimiste ibid. V, 22. Comenius ne comprend pas la position opposĂ©e pessimiste Il est honteux et impie, et en outre cela relĂšve de l'ingratitude, de toujours parler de notre corruption et de passer sous silence la RĂ©demption ! Pourquoi toujours s'excuser sur le vieil Adam ! C'est Ă bon droit que l'apĂŽtre dit en son nom et au nom de tous ceux qui ont Ă©tĂ© rĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s Je puis tout en Celui qui me rend fort, le Christ. » Philippiens, IV, 1326. 15Comenius ne se pose pas la question de savoir Ă qui Dieu rĂ©serve sa grĂące ; il ne voit en Dieu que gĂ©nĂ©rositĂ© Ah, gardons-nous de mettre des limites Ă la grĂące de Dieu qu'il est prĂȘt Ă rĂ©pandre en nous avec sa plus grande largesse ! » V, 24. Quant Ă se demander si la grĂące est efficace ou suffisante, etc. c'est seulement soulever des questions inutiles ». 27 La pampĂ©die, chap. X ; V classe in finem. 16Dans un passage de La pampĂ©die il y a quelques lignes sur la prĂ©destination ; mais ce n'est qu'un maigre canevas pour un dĂ©veloppement Ă©ventuel. C'est dire le peu d'intĂ©rĂȘt que l'auteur portait Ă la question, alors qu'en France les dĂ©bats sur la grĂące efficace faisaient rage, non seulement parmi les thĂ©ologiens, mais mĂȘme dans les salons et les collĂšges - jusqu'Ă provoquer des bagarres ; on trouve des Ă©chos de ces dĂ©bats dans les arts et la littĂ©rature. MalgrĂ© la briĂšvetĂ© de ce passage il est clair que l'orientation gĂ©nĂ©rale ne va pas dans le sens de la rigueur calviniste ou jansĂ©niste. L'auteur, par exemple, pose la question Comment peux-tu espĂ©rer tenir bon devant le tribunal de Dieu ? » et il rĂ©pond GrĂące Ă l'intervention de JĂ©sus-Christ qui plaidera pour moi » - Est-ce que cette dĂ©fense sera efficace ? - Oui ! PremiĂšrement il ne s'est pas arrogĂ© lui-mĂȘme cette fonction, mais elle lui a Ă©tĂ© attribuĂ©e par le PĂšre. HĂ©breux, V, 5. ⊠En troisiĂšme lieu, parce que le sacrifice que le Christ a offert pour la rĂ©conciliation des pĂ©cheurs suffit pour tous les pĂ©chĂ©s du monde ». Et l'auteur se rĂ©fĂšre Ă la 1Ăšre EpĂźtre de saint Jean II, 2. qui dit ceci Il est lui-mĂȘme expiation pour nos pĂ©chĂ©s, non seulement pour les nĂŽtres, mais pour ceux du monde entier »27. 28 Cons. I, col. 1052. 29 Ibid., col. 580 4 et col. 978. 30 Ibid., col. 1130. 31 Ibid., col. 1130. 17Dans les discussions sur la grĂące, la libertĂ© tient une place centrale. Luther, Calvin, Jansenius niaient le libre arbitre ; l'Eglise catholique, au contraire, le posait comme nĂ©cessaire. Comenius aussi Sans la libertĂ©, la ressemblance avec Dieu ne serait pas parfaite »28. Il la conçoit comme totale et contrairement, notamment Ă Calvin, il Ă©crit Elle la libertĂ© est si essentielle Ă la nature humaine que personne ne peut forcer l'homme Ă vouloir ce qu'il ne veut pas, pas mĂȘme les anges ou les dĂ©mons et mĂȘme pas Dieu lui mĂȘme ». L'homme a Ă©tĂ© gratifiĂ© d'une telle libertĂ© par le CrĂ©ateur, qu'elle ne peut plus lui ĂȘtre enlevĂ©e. VoilĂ pourquoi Dieu lui-mĂȘme n'y touche pas »29. Les rapports entre Dieu et l'homme ne sont pas des rapports de conflit ou de force. Comenius ne se demande pas comment l'homme misĂ©rable pourrait tenir tĂȘte au Tout-puissant, ni comment celui-ci serait obligĂ© de renoncer devant la rĂ©sistance de l'homme. L'homme choisit Dieu qui est le but ultime de sa vie, mais il peut se tromper sur son choix et prĂ©fĂ©rer des biens apparents Ă Dieu. Dieu, d'autre part, ne veut ĂȘtre honorĂ© que par des hommages libres. Il propose, il ne force pas Deus invites non trahit - Dieu ne nous attire pas malgrĂ© nous »30. Il Ă©chappe ainsi au piĂšge terrible dans lequel tombaient ceux qui niaient le libre arbitre et qui se sentaient obligĂ©s de dire que les damnĂ©s l'Ă©taient justement quoique la grĂące leur ait manquĂ©. Î affirme encore C'est une chose sĂ»re que l'homme ne peut rien sans Dieu, et que Dieu ne veut pas malgrĂ© l'homme. - Certum est Hominem sine Deo non posse ; Deum sine homine nolle »31. 32 La pampĂ©die, II, 19 ; trad. Unesco. 18Cette position est conforme Ă l'orthodoxie catholique, mĂȘme si l'auteur ne recherchait pas cette conformitĂ©. Ce qui est le plus Ă©vident, c'est que Comenius ne creuse pas les problĂšmes thĂ©ologiques relatifs Ă la grĂące. Î tient ces discussions pour inutiles. Ce qui est bien dans la tradition de l'UnitĂ©. Il se contente d'affirmer avec force quelques vĂ©ritĂ©s fondamentales Dieu donne sa grĂące avec gĂ©nĂ©rositĂ© et libĂ©ralitĂ© Ă tous les hommes s'opposant ainsi Ă la rigueur calviniste ou jansĂ©niste ; il faut croire Ă l'efficacitĂ© de la RĂ©demption opĂ©rĂ©e par le Christ. Ces vues thĂ©oriques lui servent de fondement pour justifier la possibilitĂ© et la nĂ©cessitĂ© de l'Ă©ducation afin de construire l'image de Dieu dans tous les hommes. Si on lui objecte Nous sommes corrompus », il rĂ©pond Oui, mais aussi renouvelĂ©s par le nouvel Adam. On nous enjoint de renouveler ce qui a Ă©tĂ© corrompu, de labourer le champ en friche et de ne pas semer dans les ronces Es. IV, 3 ; c'est Ă cela que tend l'Ă©ducation dans toute son Ă©tendue »32. 19Si les dĂ©tails de ces questions thĂ©oriques n'intĂ©ressent pas notre auteur, il y a une chose qui l'intĂ©resse au plus haut point c'est justement ce caractĂšre d'universalitĂ© Dieu veut sauver tous les hommes, il faut assurer l'Ă©ducation Ă tous, parce qu'ils sont tous faits Ă©galement Ă l'image de Dieu. 3- L'image de Dieu chez tous les hommes 33 IX, 1 et sous-titres des paragraphes 1 et 2 ; cf aussi La pampĂ©die, I, 6 et 11. 20L'image de Dieu est dĂ©posĂ©e en chacun des hommes. Chaque homme jouit par consĂ©quent de la mĂȘme dignitĂ© et est appelĂ© Ă la mĂȘme vocation. Comenius insiste sur ces idĂ©es dĂšs le dĂ©but de son Ćuvre. Ce ne sont pas seulement les enfants des riches et des gens importants qu'il faut admettre dans les Ă©coles, mais tous les enfants, Ă Ă©galitĂ©, ceux des riches et ceux des pauvres, ceux des nobles et ceux des roturiers, les garçons et les filles, qu'ils habitent des villes, des villages ou des hameaux. ⊠Car c'est en tous que l'image de Dieu doit ĂȘtre restaurĂ©e »33. Cette Ă©numĂ©ration n'est pas exhaustive ; nous verrons plus loin d'autres catĂ©gories que l'auteur inclut expressĂ©ment dans ce TOUS. L'ardeur religieuse qui le porte Ă faire briller en lui l'image de Dieu, le porte avec la mĂȘme force Ă la faire briller Ă©galement en chaque homme sans en excepter personne Tous les hommes en naissant ont la mĂȘme destinĂ©e devenir vraiment homme, c'est-Ă -dire un ĂȘtre raisonnable, le maĂźtre des crĂ©atures et une fidĂšle image de son crĂ©ateur ⊠Si donc nous admettons Ă l'Ă©ducation quelques-uns seulement en excluant d'autres, nous commettons une injustice, non seulement envers ceux qui participent Ă cette nature, mais envers Dieu lui-mĂȘme qui veut ĂȘtre reconnu, aimĂ© et louĂ© par tous ceux en qui Il a imprimĂ© son image » IX, 2. 34 Cf. Gravissimum educationis momentum §67. 21Cette position rĂ©vĂšle une exigence d'universalitĂ© absolument extraordinaire qui n'Ă©tait guĂšre partagĂ©e par ses contemporains. L'extension de l'Ă©ducation Ă tous les enfants ne sera rĂ©alisĂ©e dans la pratique que deux ou trois siĂšcles aprĂšs Comenius. En plein xxe siĂšcle, d'ailleurs des instances religieuses ou politiques ont repris les mĂȘmes dĂ©clarations, ce qui prouve que l'Ă©ducation pour tous n'Ă©tait pas encore une pratique universelle. Toute personne a droit Ă l'Ă©ducation », dit la DĂ©claration universelle des droits de l'homme. Une rĂ©solution du parlement europĂ©en adoptĂ©e le 14 Mars 1984 proclame Tous les enfants et les adolescents ont droit Ă l'Ă©ducation et Ă l'instruction ⊠sans discrimination de sexe, de race, de convictions philosophiques ou religieuses, de nationalitĂ© ou de condition sociale ou Ă©conomique ». Vingt ans plus tĂŽt Vatican II avait tenu le mĂȘme langage34. 22Passons maitenant en revue les groupes sociaux ou les catĂ©gories de personnes qui, selon Comenius, ne doivent pas ĂȘtre exclus de l'Ă©ducation. 35 Ce passage a Ă©tĂ© traduit trĂšs tendancieusement par Piobetta de la façon suivante Pareillement ... 23Les Sujets C'est tout d'abord le peuple des travailleurs manuels, serfs y compris Pour qu'ils apprennent Ă obĂ©ir intelligemment » Ă des maĂźtres qui, Ă leur tour, doivent avoir appris Ă commander sagement », car en vĂ©ritĂ© les crĂ©atures raisonnables doivent ĂȘtre guidĂ©es non Ă grand renfort de cris, de cachots ou de coups de bĂąton, mais avec des procĂ©dĂ©s raisonnables. Si on agissait autrement, l'affront retomberait sur Dieu qui a imprimĂ© en eux aussi son image, et les affaires humaines seraient pleines de violence et de troubles » VI, 935. 36 Via lucis, XIV, 16,18. 37 La pampĂ©die, II, 1 ; trad. Unesco. 24Ce passage peut soulever des polĂ©miques. Certains, voulant ignorer le contexte historique, ont reprochĂ© Ă Comenius d'ignorer la rĂ©volution sociale. C'est un fait qu'il est d'avis que chacun reste Ă la place qui est la sienne36. En fait, le problĂšme d'une Ă©ducation pour tous est bien plus complexe. Pour beaucoup, la culture n'est qu'un moyen de promotion sociale. DĂšs qu'on a un diplĂŽme, on juge certains travaux, les travaux manuels surtout, au-dessous de sa dignitĂ©. Le problĂšme se posait mĂȘme au xviie siĂšcle. Les collĂšges d'alors ne prĂ©paraient guĂšre qu'aux carriĂšres libĂ©rales et dĂ©tournaient de la pratique des mĂ©tiers. Aussi les Etats gĂ©nĂ©raux de 1614 et Richelieu s'opposaient Ă l'extension des collĂšges. On faisait la mĂȘme objection Ă Comenius Fais attention ! Tu vas ĂȘtre la risĂ©e de tout le monde. Tu verras la confusion de tous les Ă©tats ! Qui restera fidĂšle Ă sa charrue ? etc. etc. »37. 38 Via lucis, XIV, 16. 39 Ibid., XIV, 16. 40 DM. XXIX, 7 ; trad. Piobetta. 25Mais notre philosophe comprend les choses autrement. Le travail manuel est inĂ©vitable, il le sait on le pratiquait dans l'UnitĂ©. Mais il n'est pas mĂ©prisable mĂȘme les prĂȘtres de cette Eglise y Ă©taient astreints. Aussi il ne veut pas que l'Ă©cole enlĂšve aux jeunes le goĂ»t de ces travaux ; il dĂ©clare expressĂ©ment qu'il ne dĂ©sire pas que les artisans, les paysans et les femmes se consacrent entiĂšrement aux livres »38. Mais il dĂ©sire que ceux qui se livrent Ă ces travaux conservent, ce faisant, toute leur dignitĂ© humaine. Aussi, non seulement il exclut les mauvais traitements comme nous venons de le lire, mais il dĂ©sire encore que chacun soit prĂ©parĂ© Ă sa profession »39, et que les jeunes soient instruits de tout ce qui pourra leur ĂȘtre utile durant toute leur vie » DM. XXIX, 6. Il souhaite encore que ceux qui s'engagent dans l'agriculture, le commerce ou les mĂ©tiers ne rencontrent rien qui soit complĂštement nouveau et dont ils n'aient eu un avant-goĂ»t. ⊠Ainsi chacun fera l'expĂ©rience qu'il est apte Ă tout comprendre, Ă tout exĂ©cuter et Ă tout juger le plus correctement possible »40. 41 Via lucis, XIV, 17. 26RĂ©ussir cela, c'est transformer complĂštement le monde du travail et la sociĂ©tĂ© tout entiĂšre. Comenius s'en rend compte, mĂȘme s'il n'envisage pas les consĂ©quences pratiques qui en dĂ©couleraient. Quand on lui objectait que si tout le monde se mettait Ă Ă©tudier, Ă juger les affaires de l'Ă©tat et de l'Ăglise, cela ne ferait que provoquer la confusion, il rĂ©pondait Ce serait un misĂ©rable Ă©tat ou une misĂ©rable Ă©glise si leur tranquillitĂ© ne dĂ©pendait que de l'ignorance et de l'esclavage des sujets. La vraie religion et une bonne organisation civile comme celle que nous souhaitons pour le monde entier tirent leur tranquillitĂ© de la lumiĂšre et non des tĂ©nĂšbres »41. MĂȘme si notre philosophe ne prĂȘche pas la suppression des classes, il souhaite une certaine mobilitĂ© sociale due au mĂ©rite Nous ne savons pas, dit-il, Ă quoi la divine Providence a destinĂ© celui-ci ou celui-là ». Il arrive qu'elle appelle Ă de hautes fonctions des hommes pris parmi les plus pauvres et les plus mĂ©prisĂ©s IX, 3. Mais cela suppose un type d'enseignement nouveau comme celui que l'auteur prĂ©conise pour l'Ă©cole Ă©lĂ©mentaire oĂč l'instruction est donnĂ©e dans la langue maternelle. 42 CitĂ© par CompayrĂ© G. 43 Simon J., RĂ©novation de l'enseignement du français, in La pĂ©dagogie contemporaine, Gabaude et ... 44 Gusdorf G., L'avĂšnement des sciences humaines au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1973, p. 126. 45 CitĂ© par Gusdorf Gâ Dieu, la nature, l'homme au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1972, p. 178. Citation ... 27RĂ©pandre la culture dans toutes les couches sociales, c'est aller contre des prĂ©jugĂ©s. La culture peut-ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une richesse immatĂ©rielle qui met ceux qui la possĂšdent au-dessus des autres. Alexandre le Grand l'a exprimĂ© sans dĂ©tour. Il Ă©crivait Ă son maĂźtre Aristote En quoi serons-nous supĂ©rieurs aux autres hommes si les sciences que vous m'avez apprises deviennent communes Ă tout le monde ? Quant Ă moi, j'aimerais mieux encore surpasser les hommes par la science que par la puissance »42. Cet Ă©goĂŻsme culturel existe mĂȘme aujourd'hui. On a pu Ă©crire, en effet Sous cette indignation une prĂ©tendue atteinte Ă la langue française existe la crainte, rĂ©elle celle-lĂ , de voir toutes les couches sociales accĂ©der Ă une culture et Ă des modes de pensĂ©e que l'on dĂ©sirait rĂ©server Ă une Ă©lite »43. Si Comenius est un exemple de la gĂ©nĂ©rositĂ© pour la diffusion de la culture dans toutes les couches sociales, c'est Ă cause du respect qu'il porte Ă chacun des hommes en qui est imprimĂ©e l'image de Dieu. On ne constate pas ce respect chez Diderot ou Voltaire qui Ă©taient des conservateurs sans sympathie pour la masse populaire qui leur inspirait parfois des mots trĂšs durs »44. Pour Voltaire, en particulier, le gros du genre humain a Ă©tĂ© et sera trĂšs longtemps insensĂ© et imbĂ©cile »45. Sur ce point, l'Ă©volution historique semble faire Ă©voluer les modes de pensĂ©e et de sentir vers l'idĂ©al proposĂ© par Comenius. 46 DM. IX, 5 ; trad. PrĂ©vot. 28Les femmes. Il en est de mĂȘme pour ce qui concerne les femmes On ne peut donner aucune raison pour exclure le sexe faible j'attire particuliĂšrement votre attention sur ce point du soin des Ă©tudes en langue latine et en langue nationale, car elles sont aussi Ă l'image de Dieu et ont part Ă©galement Ă sa grĂące et au royaume Ă©ternel. En vĂ©ritĂ©, elles sont douĂ©es d'une intelligence vive et d'une capacitĂ© de connaissances Ă©gales ou mĂȘme supĂ©rieures aux nĂŽtres. Dieu les appelle comme nous aux plus hautes destinĂ©es rĂ©gner sur des peuples, conseiller les rois ou les princes, exercer la mĂ©decine ou d'autres mĂ©tiers utiles Ă l'humanitĂ©, remplir la fonction de prophĂšte et critiquer les prĂȘtres et les Ă©vĂȘques. Pourquoi voudrions-nous n'enseigner aux femmes que l'a b c pour les Ă©loigner ensuite des livres ?46 47 Paris, 1978. 29Ce texte est particuliĂšrement Ă©tonnant pour l'Ă©poque oĂč il a Ă©tĂ© Ă©crit Le lecteur français se souvient de la maniĂšre dont MoliĂšre prĂ©sente l'opinion courante sur l'Ă©ducation des femmes. Mais, d'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale, l'infĂ©rioritĂ© de la femme passait pour une vĂ©ritĂ© Ă©vidente. Jean Delumeau a longuement Ă©tudiĂ© cette question dans un livre La peur en Occident xive- xviiie siĂšcle47. Rapportons-nous Ă quelques passages oĂč les auteurs qu'il cite emploient la mĂȘme rĂ©fĂ©rence biblique image de Dieu » que notre philosophe. Nous allons trouver des affirmations diamĂ©tralement opposĂ©es Ă celle de La grande didactique. 48 Idem., p. 312. 49 Idem., p. 312. 50 Idem., p. 324. 51 Idem., p. 330. 52 Idem., p. 330. 30RĂ©sumant la pensĂ©e de saint Augustin, Delumeau Ă©crit L'homme est donc pleinement image de Dieu, mais non la femme qui ne l'est que par son Ăąme et dont le corps constitue un obstacle permanent Ă l'exercice de sa raison »48. Gratien, dont le fameux dĂ©cret devint la source officieuse du droit de l'Eglise jusqu'au dĂ©but du xxe siĂšcle a Ă©crit La femme n'a pas Ă©tĂ© faite Ă l'image de Dieu. » ! MĂȘme saint Thomas Ă©crit que la femme a Ă©tĂ© créée plus imparfaite que l'homme, mĂȘme quant Ă son Ăąme et qu'elle doit lui obĂ©ir parce que naturellement chez l'homme abonde davantage le discernement et la raison »49. Il ne faut pas croire que cette conception soit propre au Moyen Age. Ainsi les Instructions aux confesseurs de saint Charles BorromĂ©e que l'Ăglise post-tridentine réédita inlassablement plusieurs siĂšcles durant » diffusent le dogme de la fonciĂšre inĂ©galitĂ© de la femme »50. La grande didactique Ă©tait dĂ©jĂ rĂ©digĂ©e quand Le Bret, conseiller d'Ă©tat, a Ă©crit en 1632 que la nature a créé la femme imparfaite, faible et dĂ©bile, tant du corps que de l'esprit »51. Delumeau prĂ©cise que ce ne sont pas des textes de quelques extrĂ©mistes, mais que la culture dirigeante europĂ©enne a produit des quantitĂ©s de textes semblables de l'Espagne Ă la Russie et du Moyen Age au xixe siĂšcle »52. 53 La pampĂ©die, II, 30 ; trad. Unesco. 54 CalĂČ G. trad. italienne de La grande didactique, p. 34 31Les handicapĂ©s. Comenius Ă©tend l'instruction Ă ceux que nous appelons aujourd'hui des handicapĂ©s les aveugles, les sourds et les dĂ©ficients ceux qui souffrent d'une insuffisance d'organes »53. G. CalĂČ fait observer que ce n'est pas un mince mĂ©rite pour Comenius d'ĂȘtre le prĂ©curseur convaincu et explicite de la nĂ©cessitĂ©, de la possibilitĂ© et de l'utilitĂ© sociale de l'Ă©ducation des dĂ©ficients », vu que ceux-ci ont dĂ» attendre le xixe siĂšcle pour acquĂ©rir des droits aux yeux des savants et pour devenir objet de recherche et d'attention pratique »54. 55 La pampĂ©die, II, 11 ; trad. Unesco. 32Les barbares. Comenius retrouve l'image de Dieu dans une autre catĂ©gorie d'ĂȘtres, ceux que l'on appelait alors des barbares » Dieu n'a pas Ă©tabli de diffĂ©rence entre les hommes, du moins pas dans ce qui constitue l'essence humaine ; ⊠ils participent tous Ă l'image de Dieu. Gen. I, 26 »55. 56 Gusdorf G., La rĂ©volution galilĂ©enne, t. II, Paris 1969, p. 196. 57 Idem., L'avĂšnement des sciences humaines au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1973, p. 288. 58 Onstott K., Mandingo, Paris, 1964, p. 284. 59 Ibid., p. 507. 60 Gusdorf G., La conscience rĂ©volutionnaire - Les idĂ©ologues, Paris, p. 226. 33C'est une affirmation qui nous semble toute naturelle aujourd'hui. Cependant, parmi les premiers explorateurs, certains avaient proposĂ© d'exclure de l'espĂšce humaine les sauvages amĂ©ricains » ; cette proposition fut toutefois contestĂ©e, et les querelles qui s'en suivirent furent tranchĂ©es par la bulle Sublimis Deus » du pape Paul III 9 juin 153756 dans laquelle il dĂ©clare que les Indiens d'AmĂ©rique sont des hommes et doivent ĂȘtre traitĂ©s comme tels »57. Mais une bulle du pape ne change pas les mentalitĂ©s d'un coup de baguette magique et surtout pas celle des opposants au papisme. On connaĂźt celle des propriĂ©taires d'esclaves noirs dont Kyle Onstott se fait l'Ă©cho dans son roman Mandingo. Il fait dire Ă l'un de ces propriĂ©taires, Maxwell Des nĂ©gros avec des Ăąmes ! ⊠Vous croyez vraiment qu'ils ont des Ăąmes ? »58. Pour lui les nĂšgres Ă©taient des brutes sans Ăąme et il fallait qu'ils le restassent »59. Mais des philosophes propriĂ©taires d'esclaves, tel Jefferson lui-mĂȘme, lorsqu'ils invoquaient l'Ă©galitĂ© naturelle des hommes ne pensaient pas que leurs nĂšgres fussent concernĂ©s par cette dĂ©claration »60. 61 Pannuthesia, VII, 8, in Cons. II, col. 744. 62 Cf. par exemple 43. 63 La pampĂ©die, VI, 18 XV. 34Comenius, lui, est capable de faire confiance Ă ces barbares Qui sait, Ă©crit-il, ce que Dieu rĂ©serve aux Africains, aux AmĂ©ricains et aux autres barbares s'ils sont introduits dans la culture ? », car nulle part dans le monde il ne manque de tĂȘte capable, pourvu que l'Ă©ducation ne manque pas »61. Il manifeste de l'intĂ©rĂȘt pour les langues des Lapons, pour les peuplades de l'AmĂ©rique du Nord, etc62. Il a mĂȘme cette rĂ©action curieuse pour le xviie siĂšcle, mais qui nous est devenue familiĂšre aujourd'hui, de demander que l'on donne aux peuples et Ă leurs terres le nom qu'ils se donnent eux-mĂȘmes. Pourquoi, demande-t-il, les autres devraient m'appeler Paul alors que je m'appelle Jean ? Pourquoi appellera-t-on Madagascar l'Ile saint Vincent » plutĂŽt que Madagascar ? » De mĂȘme il veut que l'on donne aux chaĂźnes de montagnes ou aux fleuves le nom que les indigĂšnes leur donnent plutĂŽt que le nom de celui qui les a dĂ©couverts ; 64 Pannuthesia, VI, 7, in Cons. II, col. 733. 65 Ibid., V, 4 in Cons. II, col. 723. 66 In Nouvelle Histoire de l'Ăglise, t. 2. Le Moyen Ăge, p. 456. 35Sa capacitĂ© d'ouverture Ă tous les hommes est remarquable Dieu nous aime tous Ă©galement »64. - EuropĂ©ens, Asiatiques, Africains, AmĂ©ricains, les habitants de n'importe quelle Ăźle que ce soit, tous sont un seul peuple de Dieu, provenant du mĂȘme sang ; tous doivent s'aimer Ă©tant tous des ramifications d'un mĂȘme tronc gĂ©nĂ©alogique »65. Cela est d'autant plus remarquable que cette tendance universaliste semble aller contre une tendance de la nature humaine qui incline Ă haĂŻr la dissemblance raciale et idĂ©ologique » Knowles66. Si bien que pour d'autres auteurs contemporains aussi, une attitude pure de tout racisme serait une conquĂȘte de la conscience morale sur des instincts exclusivistes que la science semble nous expliquer. 67 La pampĂ©die, V, 4. 36Concluons avec l'auteur Il n'y aura aucune difficultĂ© ni aucun obstacle Ă instruire tous les hommes car chez tous les peuples l'image du sage CrĂ©ateur se reflĂšte ⊠dans la raison, l'esprit, la langue, la main, etc »67. 4- S'intĂ©resser Ă ce monde - ci 37 La fin ultime de l'homme est en dehors de cette vie », proclame le titre du chapitre II de La grande didactique. Le titre du chapitre suivant confirme Cette vie n'est qu'une prĂ©paration Ă la vie Ă©ternelle. » Tout le reste de l'Ćuvre de Comenius reste fidĂšle Ă ces prises de position fondamentales. Mais la vie sur cette terre, elle ne compte pas ? Elle n'a donc aucune valeur ? - C'est ce qu'on a cru pouvoir conclure de ces affirmations, d'autant plus qu'une certaine spiritualitĂ© dite chrĂ©tienne dĂ©niait effectivement toute valeur positive Ă ce monde dont on ne faisait qu'une vallĂ©e de larmes ». 68 CitĂ© par Gusdorf G., La conscience rĂ©volutionnaire. Les idĂ©ologiques, Paris, p. 158. Rousseau Du ... 69 Warnier P., Marx pour un chrĂ©tien. 70 Urs von Balthasar, Dieu et l'homme aujourd'hui. 71 Clausse A., TraitĂ© des sciences pĂ©dagogiques ; t. 2. Histoire de la pĂ©dagogie, p. 165. 38PrĂ©cisons en quoi consistait cette mentalitĂ©. Rousseau Ă©crivait Le christianisme est une religion purement spirituelle, occupĂ©e uniquement des choses du ciel ; la patrie du chrĂ©tien n'est pas de ce monde. ⊠Pourvu qu'il n'ait rien Ă se reprocher, peu lui importe que tout aille bien ou mal ici-bas »68. Le chrĂ©tien Ă©tait dans ce monde comme en exil » ; il suspectait tout effort des hommes pour exercer leur libertĂ© et transformer la rĂ©alitĂ© sociale. » La spiritualitĂ© Ă©tait fondĂ©e sur le dĂ©tachement ⊠et la rĂ©signation devant les malheurs qui survenaient dans la vallĂ©e de larmes »69. Cette mentalitĂ© a Ă©tĂ© longuement dĂ©crite par G. Snyders dans son livre La pĂ©dagogie en France aux xviie et xviiie siĂšcles. Il y est dit par exemple que chez les JĂ©suites du xviie siĂšcle aucun thĂšme n'Ă©tait plus frĂ©quemment repris que celui de la vertu comme mĂ©pris de la terre. » Un thĂ©ologien d'aujourd'hui, Urs von Balthasar fait observer que le chrĂ©tien ne peut plus se considĂ©rer lui-mĂȘme comme un hĂŽte » et un Ă©tranger » descendu d'en haut et venu en ce monde, comme les chrĂ©tiens de jadis le faisaient volontiers encore Ă la suite des platoniciens »70. Certains auteurs ont qualifiĂ© cette mentalitĂ© de mysticisme » ; et pour eux Comenius est un mystique ». Or, pour le mystique, le monde matĂ©riel est un leurre et les sens sont trompeurs ; la multiplicitĂ© et les vicissitudes terrestres relĂšvent de l'irrĂ©el et de l'illusion »71. Rien n'est plus opposĂ© Ă la philosophie de Comenius que ce mysticisme »-lĂ . Sa piĂ©tĂ©, loin de lui rendre la terre indiffĂ©rente, la lui rend presque sacrĂ©e, car elle est l'Ćuvre de Dieu. 72 Via lucis, XIV, 7. 73 La pampĂ©die, ΧÎÎ ; Du choix du mode de vie » ; in Cons. II, col. 210. 39La position de Comenius est claire quoique complexe il faut toujours rechercher Dieu mais, tant qu'on est sur cette terre, ce n'est qu'Ă travers ses Ćuvres qu'on le trouve. Il faut servir Dieu ; mais on ne peut le faire qu'en vivant sa vie d'homme. Dieu, invisible en lui-mĂȘme se manifeste par ses Ćuvres DM. XXIV, 18 ; il faut donc chercher Ă relever les traces de la divinitĂ© dans toute la crĂ©ation » ibid. XXIV, 3. Notre philosophe va jusqu'Ă Ă©crire que ceux qui disent que, du point de vue de la foi, ce que l'on dit des crĂ©atures n'a aucune importance pourvu que l'on parle correctement de Dieu, se trompent honteusement. Qu'il soit tenu pour certain, ajoute-t-il, que plus on connaĂźtra la nature avec exactitude et plus resplendira la majestĂ© et la grandeur du CrĂ©ateur72. De mĂȘme, en choisissant sa profession, il faut ĂȘtre toujours prĂȘt Ă servir les hommes et Dieu. ⊠Il ne faut pas penser seulement Ă soi, mais Ă toute la sociĂ©tĂ©. Nous ne naissons pas pour nous seuls ». Pratiquer la profession de cette maniĂšre est une voie royale vers le royaume ». Devant Dieu il n'y a aucun mĂ©tier vil ; il n'y en a aucun qui ne puisse nous faire mĂ©riter la couronne du ciel73. 74 Pans. prod. 109. 40C'est avec la mĂȘme complexitĂ© d'inspiration que l'auteur parle de cette vie comme d'une prĂ©paration » Ă la vie Ă©ternelle. Il y a trois degrĂ©s dans la prĂ©paration Ă la vie Ă©ternelle se connaĂźtre soi-mĂȘme ainsi que toutes les autres choses ; gĂ©rer les biens de ce monde et tendre vers Dieu ». C'est le titre mĂȘme du chapitre IV de La grande didactique qui suit les deux autres que nous avons citĂ©s au dĂ©but de cette section. Seul est digne de la vie Ă©ternelle, l'homme qui a dĂ©veloppĂ© sa raison et acquis des connaissances sur tout ce qui se trouve sur la terre, l'homme qui a dĂ©veloppĂ© son savoir-faire et ses habiletĂ©s techniques et enfin l'homme qui vĂ©nĂšre Dieu. Ceux qui meurent sans avoir dĂ©veloppĂ© leur humanitĂ© sont comme des avortons pour l'autre vie. L'embryon dans le sein maternel ne forme pas ses organes et ses membres pour la vie qu'il mĂšne alors ; mais il faut qu'au moment de la naissance ils soient tous bien formĂ©s. Heureux celui qui s'est formĂ© de bons membres dans le sein de sa mĂšre ; mille fois plus heureux celui qui quittera cette vie avec une Ăąme bien formĂ©e » DM. III, 6. - Celui-lĂ est vraiment instruit qui est instruit des choses de l'Ă©ternitĂ© ; mais de telle maniĂšre qu'il sache en mĂȘme temps profiter le plus judicieusement possible de ce qui prĂ©cĂšde, c'est-Ă -dire de la vie prĂ©sente »74. La pensĂ©e d'une vie future n'est invoquĂ©e que pour donner un sens Ă l'Ă©tape prĂ©sente ; elle ne la dĂ©valorise pas. 75 Ibid., 52. 41Elle la dĂ©valorise d'autant moins que l'homme a Ă©tĂ© Ă©tabli, par Dieu lui-mĂȘme, le gĂ©rant de ce monde-ci, le maĂźtre de toutes les crĂ©atures DM. IV, 2 et 26. A plusieurs reprises notre auteur rappelle la parole de saint Paul Tout est Ă vous⊠» 1. Cor. III, 21-13. C'est un devoir pour l'homme, d'une part de dĂ©velopper sa raison en observant les choses de ce monde et en apprenant Ă les connaĂźtre, d'autre part d'apprendre Ă les utiliser au mieux de ses besoins DM. IV, 3-4. Pour cela il faut commencer par faire l'inventaire de toutes les richesses que la terre contient, d'autant plus que l'homme doit connaĂźtre son hĂ©ritage. On sait que ce programme a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© depuis. Mais en son temps, KomenskĂœ constatait que les hommes ne savaient pas qu'ils Ă©taient les maĂźtres de grandes richesses et le souverain de la crĂ©ation75. 76 La pampĂ©die, Ht, 22 ; ce conseil est rĂ©pĂ©tĂ© en ÎÎ , 42 ; trad. Unesco. 77 Ibid., IIÎ, 11 ; trad. Unesco. 78 Ibid., IIÎ, 42 ; trad. Unesco. 79 Ibid., IV, 6 ; cf aussi XXIV, 24. 42Avec le temps, le bon KomenskĂœ s'enhardit jusqu'Ă recommander aux gens de s'enrichir ! au lieu de se dĂ©tacher ». Il est dĂ©sirable, Ă©crit-il, que les hommes soient bien Ă leur aise chacun selon ses besoins ; c'est pourquoi il faut que tous apprennent l'art de s'enrichir »76. D'ailleurs cela correspond, pour notre philosophe, Ă une tendance naturelle Toute crĂ©ature humaine dĂ©sire, par les instincts les plus intimes de sa nature, ⊠7° avoir beaucoup de choses »77. Aussi l'Ă©ducation doit travailler Ă dĂ©velopper cette tendance. Mais comme il ne faut pas s'attendre que les dons de Dieu nous tombent du ciel », il est nĂ©cessaire aussi d'apprendre aux hommes Ă travailler78. - Au milieu du xviie siĂšcle, ce n'Ă©tait pas l'opinion gĂ©nĂ©rale ; aussi notre auteur se sent obligĂ© d'insister. Il pourrait arriver mĂȘme aujourd'hui que, sous prĂ©texte de piĂ©tĂ©, certains hommes nĂ©gligent les autres ornements de la vie raisonnable ; il ne faut pas le permettre »79. Mais la mentalitĂ© contre laquelle KomenskĂœ luttait s'est prolongĂ©e jusqu'au xixe siĂšcle. Entre beaucoup d'autres, Louis Veuillot 1813 - 1883, rĂ©dacteur en chef du trĂšs catholique journal L'Univers, Ă©crivait La misĂšre est la loi d'une partie de la sociĂ©tĂ© ; c'est la loi de Dieu Ă laquelle il faut se soumettre. » ! 80 V, 9 ; trad. Piobetta. 81 Ibid., V, 14 ; trad. Piobetta. 82 Snyders G., La pĂ©dagogie en France aux xviie et xviiie siĂšcles, Paris, 1965, p. 81. 83 Idem, p. 76. 43Comenius ne craint mĂȘme pas d'Ă©crire qu'il faut savoir profiter des saines jouissances que la vie offre, car ce qui se trouve dans ce monde ne s'y trouve pas pour assurer seulement nos besoins, mais aussi pour notre jouissance DM. III, 3. Parlant d'un jardin que le jardinier a travaillĂ© avec ardeur et goĂ»t », il dit Plus grande en est la variĂ©tĂ©, plus agrĂ©able en est la vue, plus suave le plaisir de l'odorat et plus fort le soulagement du cĆur »80. Par opposition, Bossuet aurait dit que la perte de plus d'une Ăąme a commencĂ© par sentir une fleurâŠ. Comenius cĂ©lĂšbre mĂȘme les plaisirs esthĂ©tiques Il n'y a personne qui n'Ă©prouverait pas de plaisir Ă voir un homme aux belles formes, un cheval Ă©lĂ©gamment campĂ©, une statue superbe et une peinture merveilleuse. ⊠Je voudrais aussi savoir qui est-ce qui reste insensible Ă la musique ? ⊠A qui ne plaisent les aliments bien assaisonnĂ©s ? »81. Ces phrases, et bien d'autres cf. X, 10 Ă 13 ont dĂ» faire frĂ©mir plus d'un lecteur du xviie siĂšcle. Ne parlons pas de l'abbĂ© de RancĂ© 1626-1700 ! Mais un religieux engagĂ© dans le monde, le P. de Jouvency, se croyait obligĂ© d'enseigner Ă ses Ă©lĂšves qu'un saint et savant religieux » est celui Ă qui la terre semble fade »82. D'une maniĂšre gĂ©nĂ©rale on rĂ©pĂ©tait que la vertu ne faisait qu'un avec le renoncement⊠»83. 84 La pampĂ©die, ÎII, 16 ; trad. Unesco. 85 Ibid., IIÎ, 17 ; trad. Unesco. 44L'Ă©vĂȘque de l'UnitĂ© a osĂ© Ă©crire Il faut enseigner aux hommes Ă aimer la vie ici-bas au point de la dĂ©sirer Ă©ternelle ». Puis il s'est repris, se rendant compte que cela n'a pas besoin d'ĂȘtre enseignĂ©, tellement cela correspond Ă un instinct fondamental. Cependant il a ajoutĂ© Il faut qu'ils les hommes aiment la vie ici-bas »84. Mais cette vie est conditionnĂ©e par la santĂ© du corps. Aussi le philosophe attache Ă la santĂ© une grande importance Il est de l'intĂ©rĂȘt de chaque homme de bien veiller Ă sa santĂ© »85. A cette Ă©poque la mortalitĂ© Ă©tait grande et l'hygiĂšne n'Ă©tait pas encore connue. Aussi le pĂ©dagogue ne craint pas d'Ă©crire dans La grande didactique tout un chapitre sur l'art de prolonger la vie » chap. XV. 86 Lab. schol. Patakini obitorum Coronis, in pars Î Î, col. 1046 ; en italique dans le texte. 45L'homme doit prolonger l'activitĂ© crĂ©atrice de Dieu en mettant la terre en valeur. Comenius voit dans cette activitĂ© une collaboration de l'homme avec Dieu. C'est une idĂ©e fondamentale dans sa philosophie. Dans son discours d'adieu prononcĂ© Ă Sarospatak, par exemple, il disait Ă ses auditeurs Je viens de vous dire que vous devez attendre ces pleines moissons de la bontĂ© divine et de votre courage. Je mets ensemble ces deux choses, car Dieu lui-mĂȘme souhaite leur coopĂ©ration et il veut qu'elles aillent toujours de pair »86. 87 DĂ©dicace de La grande didactique, 34. 88 Schola pansophica, in pars Î Î, col. 57-58. 89 Ibid., in pars Î Î, col. 56 20. 90 DĂ©dicace de La grande didactique, 31. 91 Cf. XXXIII, 18, 19 et DĂ©dicace de La grande didactique 30, 31, 33. 46Il insiste sur cette collaboration surtout dans le travail de l'Ă©ducation ; l'homme doit faire croĂźtre les germes que Dieu a dĂ©posĂ©s en lui. Et c'est Dieu qui Ă©veille chez certains hommes le dĂ©sir de travailler Ă la rĂ©forme des Ă©coles87. Aussi offrir pour les Ă©coles la dĂźme de ses biens, c'est travailler Ă la gloire de Dieu88. Vouloir le bien il s'agit, ici, de chercher Ă rĂ©pandre l'instruction, chercher les moyens pour y arriver est la voie royale pour arriver lĂ oĂč Dieu veut que nous allions »89. Pour exhorter les autoritĂ©s Ă dĂ©velopper les Ćuvres d'Ă©ducation, notre auteur emploie, selon le cas, les exhortations ou les objurgations mĂŽmes des prophĂštes Maudit soit celui qui fait mollement le travail de YahvĂ© »90. Il Ă©voque la vocation divine » des maĂźtres, car ils ont Ă©tĂ© appelĂ©s pour planter le ciel et asseoir solidement la terre. IsaĂŻe, Ll, 16. » DM. XXXIII, 12. RĂ©pandre la vĂ©ritĂ© c'est glorifier Dieu », dit-il en reprenant les paroles de GrĂ©goire-le-Grand91. 47Toute la vie de Comenius a Ă©tĂ© un engagement dans l'action Ă©ducative sociale et politique. C'Ă©tait donc tout le contraire de l'indiffĂ©rence mystique ». Son action Ă©ducative sera suffisamment mise en relief au cours de cette Ă©tude. Nous ne parlerons pas, ici, de son engagement religieux et politique ; disons seulement que c'Ă©taient ses prĂ©occupations constantes. L'Ćuvre de sa vie a Ă©tĂ© le grand ouvrage DĂ©libĂ©ration universelle sur la rĂ©forme des affaires humaines dont le titre seul dit assez l'ambition qui animait notre auteur. 48Comme on l'a constatĂ©, des idĂ©es importantes sont exprimĂ©es par des symboles religieux ou fondĂ©es sur l'autoritĂ© des Ecritures. Dans une sociĂ©tĂ© profondĂ©ment laĂŻcisĂ©e et parfois hostile Ă la religion, on est portĂ© Ă leur donner moins d'importance ou mĂȘme Ă les rejeter catĂ©goriquement. C'est par exemple ce qu'a fait Piobetta dont la traduction française ne donne de La grande didactique qu'un texte tronquĂ©. 92 CitĂ© par Gusdorf G., Les principes de la pensĂ©e au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1971, p. 350 E. Fa ... 49Cependant il faudrait se rendre compte que l'expression religieuse n'est souvent qu'un revĂȘtement sous lequel on trouve des intuitions profondĂ©ment humaines, donc acceptables par tout le monde. Cela ne se trouve pas seulement chez Comenius. Emile Faguet dit, par exemple, que les divers courants de pensĂ©e du xviie siĂšcle - jansĂ©nisme, thomisme, molinarisme, semi-pĂ©lagianisme, quiĂ©tisme - n'Ă©taient que les formes que prenaient chez ces hommes les idĂ©es fondamentales et les sentiments profonds. ⊠Leur pensĂ©e, au lieu de devenir un systĂšme philosophique, prenait comme forme et comme expression une des interprĂ©tations diverses du christianisme qui existaient alors. » Ces formes de pensĂ©e, dit encore Faguet, Ă©taient, pour l'homme qui les adoptait, sa philosophie intime, son tour d'esprit mĂȘme »92. C'est pour cela que les discussions sur la grĂące ont eu un tel impact sur le public, en France. 50Chez notre auteur il semble Ă©vident que l'expression religieuse est seconde par rapport Ă l'adhĂ©sion Ă des valeurs qui Ă©taient unanimement acceptĂ©es dans l'UnitĂ© ; il les a intĂ©riorisĂ©es et puis il les a exprimĂ©es et justifiĂ©es dans un langage religieux dans certaines de ses Ćuvres puisque c'Ă©tait une maniĂšre normale de procĂ©der pour son Ă©poque. Mais dans d'autres Ćuvres, il justifie les mĂȘmes principes celui de l'Ă©galitĂ© des hommes, par exemple par des arguments purement rationnels. Nous suivrons ce dĂ©veloppement en dĂ©tail dans un autre chapitre Former l'homme - section La nature humaine est une et identique chez tous les hommes. Voici en abrĂ©gĂ© cette justification. Tous les hommes appartiennent Ă la mĂȘme humanitĂ© parce qu'ils ont les mĂȘmes notions communes, etc. Si on retranche quelque catĂ©gorie Ă ce tout, on en dĂ©truit l'intĂ©gralitĂ©. VoilĂ pourquoi il faut Ă©tendre l'instruction Ă tous les peuples les barbares y compris. 51Ni les arguments religieux ni les arguments rationnels n'ont la puissance de modifier cette adhĂ©sion intime Ă des valeurs en dĂ©pit de ce que certains croient sinon par une Ă©volution trĂšs lente qui s'Ă©tend parfois sur des siĂšcles. C'est ainsi que, mĂȘme des saints ou des philosophes qui vivaient dans les sociĂ©tĂ©s oĂč l'Ă©galitĂ© n'Ă©tait pas Ă©tendue indistinctement Ă tous les individus humains refusaient d'Ă©tendre le privilĂšge d'ĂȘtre des images de Dieu Ă ces individus-lĂ . cf. saint Augustin et saint Thomas, et sur le plan purement philosophique Jefferson. 93 DM. IX, 7 ; trad. de la Bible de JĂ©rusalem. 52Inversement, notre bon Comenius qui accorde tant d'autoritĂ© aux Ecritures, rĂ©cuse celle de l'apĂŽtre Paul quand celui-ci Ă©carte les femmes de l'enseignement et par consĂ©quent de l'instruction. Que personne ne m'objecte, dit-il avec la plus grande assurance, cette sentence de l'ApĂŽtre Je ne permets pas Ă la femme d'enseigner 1. TimothĂ©e II, 12 »93. Pourquoi le fait-il sinon parce qu'il ne pouvait pas renoncer Ă une valeur qu'il avait faite profondĂ©ment sienne ? 94 Schimberg A., L'Ă©ducation morale dans les CollĂšges de la Compagnie de JĂ©sus sous l â ancien rĂ©gime... 53La maniĂšre dont Comenius conçoit les rapports entre Dieu et l'homme a des consĂ©quences importantes. A son Ă©poque, pour glorifier Dieu on rabaissait l'homme ; on a signalĂ© mĂȘme une tendance Ă faire de l'anĂ©antissement de l'homme un indispensable hommage Ă la souverainetĂ© de Dieu » ; on Ă©crasait la libertĂ© de l'homme pour exalter la puissance de Dieu94. On ne voyait pas le danger que reprĂ©sentait cette façon de faire. Lorsque l'homme prendra conscience de sa valeur propre en tant qu'ĂȘtre libre, lorsqu'il se rendra compte que la condition de l'homme sur la terre n'est pas rĂ©glĂ©e par un destin immuable, mais qu'il peut travailler Ă augmenter son bonheur terrestre, il aura l'impression qu'il ne pourra le faire qu'en se rĂ©voltant contre Dieu. C'est ainsi que le marxisme redonnera de la force au mythe de PromĂ©thĂ©e, comme si le bonheur de l'humanitĂ© ne pouvait ĂȘtre Ă©tabli que par des hĂ©ros qui devraient l'arracher Ă la jalousie de Zeus. Pour d'autres philosophes, l'homme, pour devenir pleinement maĂźtre de sa destinĂ©e, devait d'abord proclamer la mort de celui qui le maintenait dans la sujĂ©tion. - Pour la religion c'Ă©tait un vrai dĂ©sastre. 54La philosophie de Comenius, si elle avait Ă©tĂ© gĂ©nĂ©ralisĂ©e, aurait permis de l'Ă©viter. Sans doute dans cette philosophie l'homme se trouve en face d'un autre Etre dont il doit accepter la qualitĂ© de crĂ©ateur. Mais il ne se sent pas Ă©crasĂ© par cette prĂ©sence. Au contraire, l'homme a Ă©tĂ© créé libre ; les relations que Dieu Ă©tablit avec lui sont fondĂ©es sur l'amour, le bonheur de l'humanitĂ© est voulu par Dieu ; quand l'homme veut devenir le maĂźtre de l'univers, il entre dans les desseins de Dieu. Dans une telle philosophie il n'y a pas de place pour PromĂ©thĂ©e. Une telle vision du monde, si elle avait Ă©tĂ© plus rĂ©pandue, aurait pu, peut-ĂȘtre, donner un autre cours Ă l'histoire religieuse en Occident aprĂšs le xviiie siĂšcle. Notes 1 GenĂšse, I, 26 et 27 ; trad. Bible de JĂ©rusalem. 2 Tresmontant C., Les origines de la philosophie chrĂ©tienne. coll. Je sais, je crois, no 11, p. 97. 3 Ibid., p. 98. 4 Ibid, p. 100. 5 Ibid., p. 99. 6 La sainte Bible, trad. en français, sous la direction de l'Ecole biblique de JĂ©rusalem ; Paris, 1961, p. 10, note a. 7 Saint Thomas, Somme thĂ©ologique, Ia, art. 4 ; trad. A. Patfoort, o. p. Ed. du Cerf, p. 96-97. 8 La pampĂ©die, II, 23 ; trad. Unesco. 9 Ibid III, 27 ; trad. Unesco. 10 L'Ă©cole de la petite enfance, IV, 5 ; trad. PrĂ©vot. 11 De utilitate accuratae RerumâŠ, in pars IIÎ, 12 La pampĂ©die, IX ; in Cons. II, col 121. 13 Ibid., IIÎ, 14 ; trad. Unesco ; cf. aussi Panegersie, in Cons. I, col. 30. 14 Ibid., III, 20 ; trad. Unesco. 15 1er EpĂźtre de saint Jean, IV, 8. 16 La panegersie, V, 9 ; in Cons. I, col. 37. 17 Ibid. IV, 14 ; in Cons. I, col. 30. 18 Cf Denis E., La fin de l'indĂ©pendance bohĂȘme, t. I et II, Paris, 1930. 19 Vita gyrus. in pars IV, 20 Heyberger A., Jean Amos Comenius, Paris, 1928, p. 217. 21 Ibid., 22 Gusdorf G., La rĂ©volution galilĂ©enne, Paris 1969, t. Î , p. 43. 23 Hildesheimer F., Le jansĂ©nisme. L'histoire et l'hĂ©ritage, Paris, 1992, p. 134. 24 Cf Cons. I, Mundus spiritualis, chap. IV, col 1071. 25 La grande didactique, chap V, sous-titres pour les paragraphes 1 et 2. 26 V, 23 ; cf. aussi Pans. prod. 15. 27 La pampĂ©die, chap. X ; V classe in finem. 28 Cons. I, col. 1052. 29 Ibid., col. 580 4 et col. 978. 30 Ibid., col. 1130. 31 Ibid., col. 1130. 32 La pampĂ©die, II, 19 ; trad. Unesco. 33 IX, 1 et sous-titres des paragraphes 1 et 2 ; cf aussi La pampĂ©die, I, 6 et 11. 34 Cf. Gravissimum educationis momentum §67. 35 Ce passage a Ă©tĂ© traduit trĂšs tendancieusement par Piobetta de la façon suivante Pareillement il importe d'Ă©clairer aussi les sujets afin qu'ils sachent se tenir sagement dans leur Ă©tat de sujets Ă l'Ă©gard de ceux qui les gouvernent avec sagesse. » Il traduit ainsi Parere prudenter » ! - Des traducteurs d'autres langues ont une version pareille Ă la nĂŽtre. 36 Via lucis, XIV, 16,18. 37 La pampĂ©die, II, 1 ; trad. Unesco. 38 Via lucis, XIV, 16. 39 Ibid., XIV, 16. 40 DM. XXIX, 7 ; trad. Piobetta. 41 Via lucis, XIV, 17. 42 CitĂ© par CompayrĂ© G. 43 Simon J., RĂ©novation de l'enseignement du français, in La pĂ©dagogie contemporaine, Gabaude et colt., 1972. 44 Gusdorf G., L'avĂšnement des sciences humaines au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1973, p. 126. 45 CitĂ© par Gusdorf Gâ Dieu, la nature, l'homme au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1972, p. 178. Citation extraite de Voltaire, Essai sur les mĆurs - Ćuvres complĂštes, Ă©d. Dupont, 1823, t. XV. p. 25. 46 DM. IX, 5 ; trad. PrĂ©vot. 47 Paris, 1978. 48 Idem., p. 312. 49 Idem., p. 312. 50 Idem., p. 324. 51 Idem., p. 330. 52 Idem., p. 330. 53 La pampĂ©die, II, 30 ; trad. Unesco. 54 CalĂČ G. trad. italienne de La grande didactique, p. 34 55 La pampĂ©die, II, 11 ; trad. Unesco. 56 Gusdorf G., La rĂ©volution galilĂ©enne, t. II, Paris 1969, p. 196. 57 Idem., L'avĂšnement des sciences humaines au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1973, p. 288. 58 Onstott K., Mandingo, Paris, 1964, p. 284. 59 Ibid., p. 507. 60 Gusdorf G., La conscience rĂ©volutionnaire - Les idĂ©ologues, Paris, p. 226. 61 Pannuthesia, VII, 8, in Cons. II, col. 744. 62 Cf. par exemple 43. 63 La pampĂ©die, VI, 18 XV. 64 Pannuthesia, VI, 7, in Cons. II, col. 733. 65 Ibid., V, 4 in Cons. II, col. 723. 66 In Nouvelle Histoire de l'Ăglise, t. 2. Le Moyen Ăge, p. 456. 67 La pampĂ©die, V, 4. 68 CitĂ© par Gusdorf G., La conscience rĂ©volutionnaire. Les idĂ©ologiques, Paris, p. 158. Rousseau Du contrat social 1762 livre IV, chap. VIII. PlĂ©iade t. III, p. 465. 69 Warnier P., Marx pour un chrĂ©tien. 70 Urs von Balthasar, Dieu et l'homme aujourd'hui. 71 Clausse A., TraitĂ© des sciences pĂ©dagogiques ; t. 2. Histoire de la pĂ©dagogie, p. 165. 72 Via lucis, XIV, 7. 73 La pampĂ©die, ΧÎÎ ; Du choix du mode de vie » ; in Cons. II, col. 210. 74 Pans. prod. 109. 75 Ibid., 52. 76 La pampĂ©die, Ht, 22 ; ce conseil est rĂ©pĂ©tĂ© en ÎÎ , 42 ; trad. Unesco. 77 Ibid., IIÎ, 11 ; trad. Unesco. 78 Ibid., IIÎ, 42 ; trad. Unesco. 79 Ibid., IV, 6 ; cf aussi XXIV, 24. 80 V, 9 ; trad. Piobetta. 81 Ibid., V, 14 ; trad. Piobetta. 82 Snyders G., La pĂ©dagogie en France aux xviie et xviiie siĂšcles, Paris, 1965, p. 81. 83 Idem, p. 76. 84 La pampĂ©die, ÎII, 16 ; trad. Unesco. 85 Ibid., IIÎ, 17 ; trad. Unesco. 86 Lab. schol. Patakini obitorum Coronis, in pars Î Î, col. 1046 ; en italique dans le texte. 87 DĂ©dicace de La grande didactique, 34. 88 Schola pansophica, in pars Î Î, col. 57-58. 89 Ibid., in pars Î Î, col. 56 20. 90 DĂ©dicace de La grande didactique, 31. 91 Cf. XXXIII, 18, 19 et DĂ©dicace de La grande didactique 30, 31, 33. 92 CitĂ© par Gusdorf G., Les principes de la pensĂ©e au siĂšcle des lumiĂšres, Paris, 1971, p. 350 E. Faguet. XVIIe siĂšcle, Boivin, p. 446-447. 93 DM. IX, 7 ; trad. de la Bible de JĂ©rusalem. 94 Schimberg A., L'Ă©ducation morale dans les CollĂšges de la Compagnie de JĂ©sus sous l â ancien rĂ©gime xvie, xviie, xviiie siĂšcles, Paris, 1913, respectivement p. 54 et p. 56. Cette publication numĂ©rique est issue dâun traitement automatique par reconnaissance optique de caractĂšres.
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